RDC : l’application de la constitution reste largement lacunaire 16 ans après juge le professeur M Malonga
La constitution actuellement en vigueur en République Démocratique du Congo qui vient de totaliser 16 ans jour pour jour ce 18 février 2022 depuis sa promulgation n’a pas atteint son objectif principal de ‘‘la mise en place d’un nouvel ordre politique’’ qui se veut démocratique. Avis du professeur Muhindo Malonga Télesphore, enseignant de droit constitutionnel à l’Université Catholique du Graben UCG. Dans une interview accordée à Radio Okapi, le constitutionnaliste est critique par rapport à l’application de ce texte.
Le professeur Muhindo Malonga justifie sa prise de position par le fait que la mise en place de ce nouvel ordre politique devrait passer par un processus électoral resté jusqu’ici inachevé. Si les élections locales n’ont jamais eu lieu, les nationales ont été tenues à l’issu d’un forcing avec des glissements ayant occasionné des manifestations violentes, analyse le docteur en droit.
‘‘ Au bout de 16 ans, il n’y a eu des élections qu’au niveau national, au niveau provincial 2 fois sur les 3 occasions, et au niveau local, jamais. Du point de vue de la démocratie, si le peuple ne peut pas participer à l’élection, s’il ne peut pas participer à la décision publique, si je ne prends que l’exemple de l’état de siège, les habitants demandent qu’on lève l’état de siège mais on persiste. Dans un contexte d’insécurité comme le nôtre, le droit à la vie qui est un droit fondamental, est-il aujourd’hui garanti ?’’, souligne le constitutionnaliste.
Autre argument, la séparation des pouvoirs n’est pas encore au rendez-vous, une entorse sérieuse à l’application de cette constitution.
‘‘ Avec les deux premières législatures, nous avons eu une sorte de prépondérance du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie PPRD avec la Majorité Présidentielle (Ndlr Plate-forme de l’ancien président Joseph Kabila), aujourd’hui nous avons la prépondérance de l’Union Sacrée de la Nation (Ndlr plate-forme politique du président Félix Tshisekedi) où finalement on voit que le chef de l’Etat veut avoir une main sur, et le gouvernement, et le parlement. Et donc il n’y a pas une véritable séparation de pouvoir. Même la justice qui aurait pu faire le contrepoids, on cherche à la mettre sous la poche des gouvernants. Il n’y a qu’à voir certains arrêts des hautes cours congolaises.’’,souligne-t-il.
La démocratie, une des épines dorsales de cette constitution reste un grand chantier 16 ans après. Les droits de l’homme qui sont une composante essentielle de la démocratie ne sont pas respectés. ‘‘Il y a également les assemblées provinciales qui sont souvent étouffées par le pouvoir central dans leur fonctionnement alors que dans le cadre de la régionalisation, la tutelle sur les provinces est supprimée. On peut citer beaucoup d’autres articles de la constitution en souffrance’’ se désole le constitutionnaliste.
Le professeur Malonga préconise la ‘‘culture des textes’’ de la part des gouvernants et des gouvernés, considérant que les lois tissent un pacte social pour atteindre l’idéal de la démocratie. Il recommande au peuple d’être plus exigeant dans les revendications de ses droits et de sanctionner les gouvernants lors des élections.
Emmanuel KATERI