Lancée depuis le 30 novembre 2021, les opérations « Shujaa », destinées à neutraliser les terroristes ADF au Nord-Kivu et en Ituri, totalisent 3 ans ce samedi 30 novembre 2024. Trois ans après, le bilan est diversement commenté.
En octobre dernier, soit du 10 au 11 octobre, une session d’évaluation a eu lieu à Kinshasa entre les chefs d’états-majors des armées des deux pays, les FARDC et les UPDF, impliquées dans ces opérations. Elle faisait suite à celle tenue quelques jours plus tôt à Fort Portal, en Ouganda, et qui réunissait les officiers présents sur le terrain militaire. Il ressort de ces deux rencontres que le bilan est plutôt positif, selon les autorités des deux pays.
Cependant, pour l’analyste Nicaise Kibel-Bel Oka, il s’agit d’un échec. Spécialiste des questions sécuritaires, avec plusieurs publications à son actif sur l’ADF, Nicaise Kibel-Bel constate que l’ennemi continue à défier les deux armées conventionnelles en étendant sa zone d’opération. Selon lui, cet échec risque de conduire à l’enlisement, surtout si l’ennemi entraîne les deux armées vers Kisangani.
« Comme pour l’Afghanistan, il est temps que l’armée ougandaise (UPDF) quitte le territoire congolais et renforce le contrôle à ses frontières avec le Kenya et la RDC », recommande-t-il.
De son côté, Ildefonse Bwakyanakazi, Data Manager pour le Baromètre sécuritaire du Kivu, considère plutôt le bilan comme partiellement positif.
« D’un côté, ces opérations ont permis une certaine accalmie dans le secteur de Ruwenzori, ainsi que dans les chefferies des Bashu et Watalinga, territoire de Beni. Elles ont également permis la neutralisation de certains commandants et combattants des ADF, la destruction de certains de leurs bastions et la libération de plusieurs otages. De l’autre, ces opérations militaires n’ont pas empêché les ADF d’élargir leurs zones d’intervention. Les ADF restent actifs dans les territoires de Beni, Irumu et Mambasa. Et depuis mai 2024, les ADF ont, pour la première fois, mené des actions dans le territoire de Lubero et effectué une première incursion en territoire de Bafwasende, dans la province de la Tshopo », relativise le chercheur.
Sur le terrain, la stratégie appliquée depuis le début de ces opérations consiste à disperser l’ennemi dans la brousse, loin de la frontière entre la RDC et l’Ouganda. Ce mode opératoire a souvent été critiqué, tant par les forces vives de Beni que par les acteurs politiques originaires de Beni et de l’Ituri. Pour Nicaise, cette difficulté découle de la manière dont la RDC conçoit la menace terroriste, la comprend et l’anticipe.
« Les deux armées adoptent une posture statique (immobilisme), une stratégie inadaptée et peu productive dans une guerre qui exige à tout moment de la mobilité », déplore l’analyste.
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