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Dans le Kivu, le peuple Nande est victime d’un génocide depuis une décennie, selon les arguments du Professeur Malonga Télesphore

Le génocide est défini comme l’intention d’exterminer un groupe en raison d’une certaine appartenance. Ça peut être une appartenance ethnique, religieuse ou autre. Il est différent ainsi du crime contre l’humanité qui lui consiste à une attaque généralisée, systématique contre des populations civiles sans forcément les identifier en fonction d’une certaine appartenance.

En ce 09 décembre, journée internationale de lutte contre le génocide, le Professeur Telesphore Malonga soutient qu’il se déroule actuellement un génocide du peuple Nande au Kivu. Il donne son argumentaire et explique comment le faire reconnaître et prévenir les autres génocides. C’est un reportage de Hervé Mukulu.

Cette journée est célébrée depuis 1945 après la reconnaissance du génocide contre le peuple juif durant la seconde guerre mondiale qui a été suivie des biens d’autres. Aujourd’hui encore, il y a des situations qui s’apparentent au génocide, mais qui, pour des raisons politiques, ne sont pas encore reconnues comme telles. Tel est le cas des massacres du peuple Nande qui se déroulent dans le Kivu depuis une décennie et qualifiés comme tels par certains rapports, organisations et personnalités explique  le professeur en droit à l’UCG.

« Le rapport Yotama est allé dans ce sens-là  en soulignant que  ce sont les Nandes qui sont visés. La conférence épiscopale du Kivu avait déjà aussi  pris une position dans ce sens en indiquant que c’est un génocide. La société civile de Butembo avait déjà pris une position dans ce sens. On peut évoquer récemment aussi, au moment de sa visite au Congo, le Pape a aussi parlé  d’un génocide oublié. Voyez bien, il y a un certain nombre des prises de position qui indiquent qu’il y a un génocide. », liste le professeur Malonga.

Personnellement, le Professeur Malonga explique que l’élément intentionnel et la jurisprudence prouvent qu’il y a un génocide contre les Nandes depuis environ 10 ans dès que la première personne a été massacrée.

« C’est vrai du point de vue du droit, l’intention est souvent difficile à prouver, mais on peut partir de certaines déclarations. Dans l’histoire récente de la RDC, surtout pendant le régime qui a précédé celui de 2018 ; on a attendu un certain nombre des déclarations d’hommes politiques, des responsables politiques qui visaient clairement la communauté Nande pour diverses raisons. Et donc à ce niveau-là, on peut estimer que ça commence à traduire une certaine intention. Très récemment, tous nous l’avons suivi sur les réseaux sociaux, en général de l’armée congolaise qui tenait une conférence à Bunia, d’ailleurs à côté d’un gouverneur de province, qui a indiqué clairement que ce sont les Nandes qu’on est en train de poursuivre là-bas et il a voulu monter les autres communautés contre les Nandes soit disant qu’ils sont en train d’occuper leurs terres là-bas », ajoute le professeur Malonga avant de souligner :

« En jurisprudence, nous savons que le Tribunal Pénal Internationale pour l’ex-Yougoslavie avait déjà indiqué que le génocide est consommé non pas parce que l’on a exterminé le groupe dans le fait, mais à partir du moment où, animé par cette intention, on a exécuté la première victime. »

Il se passe bel et bien un génocide des Nandes au Kivu mais ce sont les pesanteurs politiques qui font qu’il ne soit pas encore reconnu comme tel. Car même pour le premier génocide, la Shoa, le génocide contre le peuple juif, il n’y a pas eu que les juifs qui ont été tués. De même chose pour le génocide rwandais, les Hutus ont aussi été massacrés ; du moment que l’intention est établie, les autres sont tués comme dommage collatéral », soutient le professeur Malonga.

Il reste encore que la RDC fasse les efforts nécessaires sur le plan politique, à l’instar du génocide arménien qui n’a été reconnu que plus tard, pour que celui des Nandes soit reconnu espère-t-il.

Car pour le professeur Malonga, le meilleur moyen de prévenir les génocides est de lutter contre l’impunité de ces genres de crimes ; et dénonce, par-là, « la nonchalance de la CPI à venir enquêter sur ces massacres de Beni alors qu’elle se précipite ailleurs ».

 

 Hervé Mukulu

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