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Beni: des meilleures productions destinées au marché au détriment des ménages à la base de la malnutrition à Mabalako

Beni: des meilleures productions destinées au marché au détriment des ménages à la base de la malnutrition à Mabalako

Réputée pour sa production du riz, des haricots et des maniocs, la contrée de Mabalako située au sud-ouest du territoire de Beni  dans le secteur de Beni-Mbau enregistre des cas de malnutrition presque chaque mois. Bien que plusieurs facteurs contribuent à cette situation, certains acteurs œuvrant dans la lutte contre l’insécurité alimentaire s’accordent à dire que les ménages ne profitent pas assez souvent de leur  propre production.

Des vendeuses au marché de Butembo
@Crédit Photo: Kid Mutuka

Dans une surface de terre située dans la banlieue de la localité de Mabalako,  Kavira Marie-Jeanne fait la récolte des choux. Elle affirme qu’elle veut tout ramener sur le marché à Beni. « Je suis en train de procéder au triage pour trouver des choux de qualité que je vais amener à Beni pour les vendre », affirme-t-elle mettant à côté les choux de petite taille destinés à la cuisson pour ses enfants.

Plus près de là, madame Mambo Christelle a récolté 300 kilogrammes de riz dans son champ situé à Irango. Mais, selon elle, une bonne partie de la production soit 260 kilogrammes a été amenée au marché.

Des enfants en paient le prix

Plusieurs enfants souffrant de la malnutrition sont consultés chaque mois au centre de santé Irango, dans l’aire de santé de Mabalako dans la zone de santé portant le même nom.

 Selon Kavugho  Kapethe  Faysi, infirmière titulaire de cette structure sanitaire, le nombre des cas est passé de 28, 7% au premier trimestre 2022 à 47% en décembre 2022. « La plupart des enfants victimes sont ceux dont l’âge varie entre 1 et  5 ans », explique-t-elle. Elle justifie cette situation par le niveau d’organisation alimentaire dans  certains ménages.

 Selon elle, de nombreux parents, des cultivateurs pour la plupart, amènent des bons produits vivriers au marché et laissent les déchets en famille pour la consommation. « Les agriculteurs d’ici produisent beaucoup mais ils souhaitent amener tout sur le marché pour les gens de la ville. Les produits qui restent à la maison pour la consommation ne sont pas convenables, soit ils restent affamés toute la journée après avoir tout vendu », décrit-t-elle.

Dépourvu d’intrants, ce poste de santé se trouve confronté aux difficultés de prise en charge de ces enfants, déplore encore Kavugho  Kapethe. 

« Les cas de malnutrition que nous enregistrons, nous sommes obligés de les référer à Bingo puisque nous n’avons pas d’intrants, nous ne sommes qu’un poste de santé », déplore-t-elle. 

Ces autres facteurs qui compliquent la donne

« Il n’y a pas que le facteur d’organisation alimentaire dans les ménages », ajoute Kambale Bienvenu membre de la Coopérative de Multiplication des Semences du Riz, (COMUSERIZ), une coopérative semencière basée en territoire de Beni.  A côté du fait que les meilleures productions sont destinées au marché et non aux ménages de petits producteurs, il parle aussi de l’insécurité et l’abandon de certaines cultures vivrières au détriment d’autres cultures pérennes à l’instar du cacao.

« D’abord il y a un contexte sécuritaire qui est compliqué, les gens se rendent moins dans les champs parce que certaines familles se sont déjà déplacées craignant pour leur sécurité orchestrée par les groupes armés locaux et étranger…il faut aussi noter que la baisse de la production est due à un certain abandon des cultures vivriers. Maintenant les gens sont en train de migrer vers la culture du cacao, et les familles sont confrontées à une grande pénurie alimentaire », explique ce membre de la COMUZERIZ. Ce point de vue est partagé par l’agronome Gérard Sombolani, agronome de l’inspection territoriale de l’agriculture à Beni et monétaire agricole affecté dans le bassin de production de Kianzaba dans lequel se trouve l’aire de santé de Mabalako.   « Si la sécurité physique des personnes est éradiquée, il sera aussi facile d’éradiquer l’insécurité alimentaire », lance-t-il. 

Des actions des ONG pour endiguer le fléau

Dans cette contrée de la zone de santé de Mabalako, l’ONG Ligue des Organisations des Femmes Paysannes du Congo, (LOFEPACO) fait partie de quelques organisations travaillant dans le volet sécurité alimentaire.   Pour pallier aux difficultés de l’insécurité alimentaire, elle envisage de travailler avec les communautés locales afin de les aider à changer les habitudes en vue d’une meilleure production profitable d’abord aux ménages.

« La LOFEPACO, dans le cadre de son programme d’appui aux rizicultures par exemple, appuie beaucoup les producteurs à Kianzaba, et nous voulons que le producteur soit à mesure d’augmenter ses revenus. Comment y arriver, il doit d’abord cultiver sur une vaste étendue et de ce grand champ il va augmenter sa production », explique Berekia Muhongya, agronome de cette organisation paysanne.   

Et d’ajouter, « pour organiser le marché et pallier la carence alimentaire dans les ménages, nous voulons organiser le marché localement en construisant des centres de collecte ou des petits entrepôts de capacité de 30 tonnes dans les milieux. Le but c’est d’arriver à organiser le marché localement là-bas suivie d’une éducation familiale sur l’alimentation et sur la gestion des revenus », annonce-t-il. Selon lui, en ayant accès au marché local organisé, le producteur est capable de varier son alimentation à partir de son revenu. « Je peux produire mais je vais manger du riz avec quoi ? Il faut que j’ai du poisson, des légumes, donc il faut que mes revenus me permettent de se procurer d’autres types d’aliments pour que j’essaie de varier les types d’aliments à la faveur de mon ménage. C’est ce que nous voulons apprendre aux producteurs », assure Berekia Muhongya.   

Jackson SIVULYAMWENGE

 

 

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